Graphê, association pour la promotion de l'art typographique.
Pétition pour sauver le patrimoine de l'Imprimerie nationale (cabinet des poinçons, presses à imprimer, bibliothèque historique)
 

 

Appel d'André Guillerme, à la suite de l'article paru dans Le Monde du 1er juin 2004

L'Imprimerie nationale, trésor de l'humanité, va disparaître.

L'Imprimerie nationale de France (INF) sise depuis 1922 rue de la Convention, à Paris (75015) doit fermer ses portes au prochain printemps, bâtiments et terrain attenant déjà vendus.

1. L'imprimerie nationale est un trésor national aussi ancien que le château de Chambord et que le Collège de France. Elle est le fait du prince, François Ier, qui, en 1539,  nomme Néobar « imprimeur du Roi pour le grec », auquel succède Estienne, imprimeur pour le latin et l'hébreu. Jouissant d'un privilège régalien, l'imprimerie devient royale ; en 1640, Richelieu la place au Louvre, à portée de main, pour « multiplier les belles publications utiles à la gloire du Roi, au progrès de la religion et à l'avancement des lettres ». Chaque ouvrage imprimé est précieusement conservé : aujourd'hui ceux-ci constituent un fonds relié de 30 000 livres : l'Alphabetum Græcum (1516), le Novum Testamentum (1550), les Médailles sur les principaux évènements du règne de Louis le Grand (1670), la Description de l'Égypte (1805) commandée par Napoléon, sans regarder à la dépense. L'histoire des techniques prise a témoin montre que cette institution n'a jamais cessé d'innover, de promouvoir de nouveaux supports — encres, pâtes, papiers, encollages, plats, reliures — et d'adapter de nouveaux procédés d'impression — flexographie, offset, photocomposition, composition programmée. Bref une institution qui, pour s'y maintenir dispose d'un service documentaire de référence pour l'imprimerie et l'histoire du livre. Elle mérite donc le respect dû à son rang : national.

2. L'Imprimerie nationale est un trésor mondial parce que son histoire est liée à celle d'une des toutes premières puissances intellectuelles, à sa genèse, à l'épanouissement de son peuple. L'INF sauvegarde un florilège de 700 000 pièces classées comme monuments historiques déplaçables et séparables, soit 230 000 poinçons en acier dans plus de soixante-dix polices différentes, dont les plus anciens datent de la Renaissance et dont les plus prestigieuses — Garamont (1641), Grandjean (1714), Luce (1773), Didot (1811), Marcellin-Legrand (1827), Gauthier (1970) — sont uniques. Ajoutons les 14 000 poinçons en acier pour la gravure de la musique provenant de la collection Tanturri, les signes typographiques mathématiques, astrologiques, astronomiques. Plus de 150 000 matrices en cuivre ; 224 000 idéogrammes chinois gravés sur bois, provenant en partie du premier dictionnaire chinois-français-latin publié en 1813 ; plus de 15 000 bois d'affiches et 1 300 bois gravés ; 3 000 cuivres de taille-douce ; 2 500 fers à dorer ; une cinquantaine de machines adaptées à la typographie. Là, est stocké l'alphabet des peuples, les hiéroglyphes, les plus anciens caractères grecs, les caractères arabes dans une douzaine de styles différents, les caractères mayas, khmers, persépolitains, runiques, russes, avestiques, araméens, coptes. Trois quarts des caractères historiques de l'humanité sont là. Elle mérite donc la révérence: universelle.

3. L'Imprimerie nationale est une cité de trésors vivants. Le savoir-faire accumulé autour de ces pierres précieuses s'est maintenu intact par circonstance et par culture. Ses graveurs de poinçons, clavistes, fondeurs de caractères, compositeurs typographes imprimeurs, lithographes, phototypistes, relieurs, informaticiens, mécaniciens constituent la mémoire toujours vive et font chef d'œuvre : ils sont aujourd'hui au plus haut de leur culture technique et maintiennent des machines qui à défaut seront mises hors d'usage. Ce patrimoine industriel doit garder sa valeur d'usage pour que ces trésors vifs continuent dignement leurs métiers.

L'ensemble est indissociable, inséparable. Ce patrimoine dépasse la seule compétence da sa tutelle, le ministère des Finances : les trésors de l'INF sont propriétés de la culture, de la connaissance, de la société. Ils ne peuvent échapper au bien commun de l'humanité. Ils méritent un écrin, une Fondation, un lieu de célébration et de recherche, central, parisien, accessible au plus grand nombre et d'abord à ceux qui en font leur art.

André Guillerme

 

 
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